vent élémentaire (antonia)

(vent élémentaire) assis sur ces marches, marvin pense repeindre le monde. de ses belles couleurs à lui. c'est-à-dire, du noir, du gris, du blanc. non, du gris, du noir et un peu de jaune dorée. de l'argenté à droite. du jaune pour libérer les lampadaires de l'ombre mortuaire. du noir pour ces personnes en parka, croulé sous un parapluie, marche vite pour éviter ces jolies gouttes. la nuit tombe plus vite qu'il ne l'espérait. alors il touchera le ciel d'un gris fade. un gris sans goût. pour faire ressortir le visage de ces gens inconnus. de ces formes qui traversent ses pupilles sans jamais croiser les siennes. ils vivent une vie différente. ou identique? des femmes. des enfants. des amis. des amants. des ennemis. des admirateurs. marvin les guettent. un par un. qui va tromper sa femme ce soir ? une personne sur cinq. qui va embrasser ses enfants ce soir ? une personne sur trois. qui va? qui va? il boit à l'honneur de ces inconnus. de ces formes mystiques. de ces formes impressionnantes. il les embrasse d'imagination. mais d'abord, il boit. il en a marre d'attendre sous la pluie. marre de confectionner de l'amour que pour sa personne et son talent. la nuit se mue d'un voile étoilée. la lumière lampadaire éclaire une partie de son visage. les voitures passantes crèvent le mystère de marvin. un homme. vieux. seul. deux packs de bières à ses pieds, dont un déjà entamé. marvin il bouge un peu. parce que son postérieur tiens plus. il tiens plus d'attendre la fameuse.

mante-religieuse qui finit par arriver. il a du attendre quinze secondes. une minutes. voir dix. voir trente. voir une heure à attendre sous une pluie fine, à se finit à la bière. ça tente un sourire. un truc déformant son visage terne. monotone. abattu par l'alcool remplaçant son sang. prévenue qu'il allait rentrer tard ce soir, pour embrasser le front de sa fille. il joue avec l'anneau qui tourne encore au tour de son doigt. il regarde l'élégance monter les marches. et ça se sourie mutuellement. un truc qui passe définitivement. ça les fait sourire. comme des cons. comme des adolescents jouant pour la première fois avec des sentiments.
- longue journée?
il tend la bière d'une main moite. les yeux rivés sur son visage.
la jeunesse, c'est flagrant. un visage triste de vécu. elle a encore rien vue.
- j'viens à peine d'arriver si ça peu t'rassurer. une heure d'attente, c'est pas grand chose.
c'est quelque chose. beaucoup même. marvin qui s'assume fatigué de bouger. fatigué de mentir. il est resté là. à l'attendre. et si elle serait pas rentrée ce soir? le matin aurait réveillé marvin, bordé par les étoiles. attendre. mentir sans patience. c'est une bénédiction d'être si calme ce soir. il se sens pas aigri comme les autres jours. comme si tout suivait un cercle tendancieux à un bon présage. il vient embrasser sa tempe. comme une gamine. comme un père à sa fille (en vrai, il embrasse toujours bambi sur le bout d'son nez). ça s'apprivoise sous le perron. levant une bière à une étoile fastidieuse.

Spoiler:

(vent élémentaire)   Et Antonia, elle va rentrer chez elle. Elle va rentrer chez elle, seule. Comme toujours. Comme à chaque fois. Rentrer, se laisser tomber dans son canapé. Regarder la télé. Puis aller dormir, et une nouvelle journée commencera, venant rejoindre toutes les autres. La routine. Sa routine. Elle ne prenait plus le temps de penser, si elle était bonne ou pas, si elle lui convenait ou non, elle vivait, tout simplement, et les jours passaient, se ressemblaient. Il y avait une certaine frustration, mais elle n’y pouvait rien. C’était comme ça. Son destin, jusqu’à preuve du contraire. Jusqu’à ce qu’on vienne l’en sortir.

Et aujourd’hui, on allait peut-être l’en sortir, de sa routine. L’en sortir, momentanément certes, mais elle allait au moins faire autre chose, connaître autre chose. Au volant de sa voiture, elle conduisait, le regard dans le vide, sous une pluie battante. C’est dans ce genre de moment qu’elle bénissait cette vieille machine, elle n’était certes plus très récente mais elle faisait bien son travail, c’est-à-dire : la protéger du froid, de la pluie, et rouler. Elle s’en achèterait peut-être une autre, un jour, quand elle gagnerait mieux sa vie… Chose très peu probable… Plutôt lorsqu’elle aurait un jour, par miracle, réussi à mettre un peu d’argent de côté.
Sa petite-soeur était partie chez l’une de ses copines, pour faire une pyjama party. C’était dingue, comme cette petite avait finalement une vie sociale bien plus remplie que la sienne. Dingue, et rassurant à la fois. Au moins, elle ne deviendrait pas comme elle, à boire des bières toute seule dans son salon une fois le travail terminé. Mieux valait être trop sociable et extravertie que pas assez. Une fois la voiture garée, elle tenta tant bien que mal de se dépêcher, pour ne pas finir trempée jusqu’aux os, quitte à faire un petit sprint sur les derniers mètres. Arrivant rapidement, elle ne remarqua pas immédiatement la présence du Messi. Son sauveur du soir. Le héros tant attendu. Ou plutôt, qu’elle n’avait pas attendu, ne soupçonnant pas même sa venue, mais qu’elle était bien plus que ravie de voir.
« Très longue. » Elle le regarda longuement, un sourire sur les lèvres. Marvin. C’était un accueil comme elle aimerait en avoir plus souvent. Quelqu’un qui l’attendait. Car jamais personne ne l’attendait, sauf sa petite-soeur. Et quelqu’un qui l’attendait avec une bière. Chose qui n’arrivait jamais, et surtout pas avec sa petite-soeur. « Une heure d’attente ? » Elle eut du mal à cacher sa surprise, alors qu’elle attrapait la bière. « Eh ben. Tu m’vois rassurée, là. Une heure à m’attendre. On m’a jamais attendu aussi longtemps, je crois. » Elle rit un peu, puis un silence, un petit silence s’installe, alors que ses lèvres viennent se poser contre sa tempe. Par réflexe, elle avait fermé les yeux. Ce genre de chose, ce genre de baiser, ça aussi, elle n’y a jamais droit. Mais elle aime ça. Elle y prend goût. Et elle aimerait que ça dure plus longtemps. Elle rouvre les yeux, pour le regarder, tendrement. Puis elle finit enfin par ouvrir la porte. « Viens, entre. Fais comme chez toi, installe-toi. » Et peut-être que ça recommencera, après. Parce qu’à chaque fois qu’ils se voyaient, il se passait forcément quelque chose. « Tu veux quelque chose à manger ? Je commande des pizzas ? » alors qu’elle balance ses clés et son sac, pour se laisser enfin tomber sur le canapé, lui gardant une place à côté d’elle.

Spoiler:

(vent élémentaire)   il vivait pour les vivants. ceux aux sourires chaloupés sous la lampe avide de s'éteindre. il aimait regarder ces corps animés d'une âme vraie. d'un vrai sentiment. d'une place qu'ils avaient acquis à la lenteur de leurs mots. de leurs pas. de leurs esprits qui trouvaient que le monde était correct à leur façon. ceux qui acceptaient de tout prendre. main tendue, ils prenaient. se gavaient des plaisirs ridicules de mère terre. un sourire au ciel sous forme de merci dissous. il regardait les sourires cramer sa vie. la sienne partait en lambeau, vieux cartable qu'il traîne à même le sol. toujours ainsi. à traîner derrière lui une veste pleine d'espoir. elle tombait. elle finissait sa vie. en fin, fin, fin de vie. l'espoir qui ressemblait qu'à un tissus trop longtemps laissés sous la pluie. traîné dans la boue. roulé sous une voiture. piétiné par l'amour de l'amour. par l'amour de l'amour. par l'amour de l'amour.
bâton jeté par les dieux à marvin, vieux chien qui devait courir après. trop essoufflé. pas assez rapide. les pattes mornes et le souffle manquant. il boîttait le vieux chien. trop tard. bâton récupéré, c'est l'espoir et l'amour dont il manqua tout bonnement l’arrêt de métro. mais au prochain, y'avait antonia. avec ses sourires pansements. ses rires alcools. sa délicatesse tangible. c'était elle, qui un temps, chavirait sur les limbes de sa terreur. parce qu'elle avait retrouvé mathilda. parce qu'elle savait tout de sa vie misère. parce que ses seules secrets sont son humour défectueux et sa peur vie. faut croire qu'elle a de bonnes fossettes. et ça le fait sourire, sourire cramé.
remarque que marvin est un long patient. il avait juste l'envie éloigné de rentrer. de bouger son corps. de se traîner jusqu'à chez lui après une défaite cuisante. l'attente ça le fait voir d'autres esprits. pas aussi noir que le sien. pas aussi blanc que le sien.
- honoré d'être l'un des premiers. un peu déçut de n'avoir qu'une bière pour fêter ça.
pourtant, il en demande pas plus. il hait les confettis. il hait les surprises. il hait les gâteaux. il hait l'odeur des bougies soufflés. il hait les applaudissements. il hait beaucoup trop de chose minime de la vie. effort poussé pour sa fille. faut croire qu'il aurait pas tout loupé dans sa vie. le moment de se déplacer est délicat. se redresser dans une grimace (parce qu'il est plus tout jeune)[putain qu'il est plus tout jeune]-46 putain 46 ans- le dos qui craque, ses genoux qui transpirent. ça fait rire son esprit encore bloqué dans ses années 20. reprise des packs de bière, l'un trop vide, l'un trop vide. il rentre. fait comme chez lui. retire paisiblement ses chaussures dans l'entrée. pose son manteau sur le premier meuble repéré. il pose les packs au sol, n'oubliant pas de s'en prendre une à nouveau. et il marche. doucement. le regard autour. inspecteur de chaque recoin, c'est pas la première fois qu'il vient. comme un touriste à chaque pas. une nouvelle tâche se fait apercevoir. un nouvel objet qui triomphe sur le coin de la table basse. de la poussière qui s'accumule à certains endroit. c'est doux. trop doux et amer pour ses pupilles. il s'assoit aux côtés d'antonia. le regard étrangement paisible. l'esprit, les pieds, la tête, le corps entier sur une autre planète. un autre univers. qui rend sa gueule ôté d'animosité.
- j'suis pas v'nue pour vider ton frigo. mais si toi t'as la dalle, te retiens pas pour moi.
une générosité souffrante. y'a un truc qui semble tourner à l'envers dans l'esprit bennet.
- faudrait que tu penses à ranger ce tas de linge propre. ça fait un mois qu'il traîne là.
sans méchanceté. mais ça fait trop longtemps qu'il revient, qu'il tourne, qu'il fixe ce tas de linge depuis trop longtemps. trop longtemps. longtemps. c'est pas un maniaque de la propreté. mais l'habitude présente de checker tous les recoins. tous ce qui touche à ses habitudes. et ce tas de linge, n'a rien à faire dans ses habitudes.