ain't no rest for the wicked.

Rester tard au bureau, l'énième excuse dont il ne semble plus pouvoir se départir. Parce qu'il doit travailler d'arrache pied afin de sortir son frangin de ses emmerdes, parce qu'il n'a pas envie de recevoir des reproches de la part de sa femme. Puis il y a Charles, son ami qui passe à travers la porte. "Nooo, I can't; Liv's waiting for me so I can read her a bedtime story", parce qu'il le sait que s'il dit oui à un verre, il n'y aura pas que ça. "Aw come on ! It's not that late, you'll do it after" et cinq heures plus tard Rafe, il titube jusqu'à l'ascenseur du plaza hotel et il réalise pas qu'il ressemble à moins que rien. Du moins jusqu'à ce que les portes se referment sur lui et qu'il admire sa réflexion à travers ces dernières. Ses mains tremblent, mais il les referme en poing afin de le cacher. Surtout de lui-même. Parfois des autres. Il joue avec son paquet de cigarette, regrette de ne pas en avoir fumé une avant de monter. Devant la porte de son appartement - le penthouse comme le personnel de l'hotel s'efforçait à l'appeler, Rafael ne trouvait plus sa carte d'accès fouillant les nombreuses poches de son veston et de son pantalon. Found it, yes. Il met les pieds dans la demeure qu'il partageait avec Cece, mais ferme les yeux subitement lorsque la porte claque derrière lui. « Fuck. » qu'il jure, entre ses dents. L'appartement était silencieux, plongé dans la pénombre, mais une lumière s'allume et l'espace d'un instant, encore affecté par toutes ces drogues qu'il avait ingéré, Rafe est aveuglé. Jusqu'à ce qu'il remarque une silhouette qu'il connaissait par coeur, celle qui partageait sa vie depuis déjà six ans. « I didn't want to wake you. » qu'il commence, mollement. Puis il se rappelle. Il se rappelle d'avoir promis à Olivia et Luca de leur lire une putain d'histoire. Il se rappelle aussi toutes ces lignes blanches qui avaient été inspirées depuis cette dite promesse. Rafe défait doucement la cravate autour de son cou et faisant comme si de rien était, il se sert un whisky on the rocks, le dos tourné à sa femme, « The kids are asleep ? » dumb question, qu'il ne relève pas, trop à l'ouest pour vraiment s'en rendre compte.

@cece corsini

« But mommy, he promised. » Elle esquisse un sourire pour dissimuler sa propre peine à une Olivia contrariée, peu encline à dormir sans avoir droit à son rendez-vous quotidien avec son père. « I know pumpkin, but daddy’s working. You know that, right? » La gamine hausse nonchalamment les épaules et à vrai dire, si on lui posait la question, elle pourrait très bien en faire autant. Après une vingtaine de minutes à se plaindre, l’enfant finit par s’endormir, non sans mal. Cece quitte la chambre, psychologiquement épuisée. A son tour, elle devrait logiquement sombrer dans les bras de Morphée, mais une certaine angoisse se fait ressentir. L’angoisse de ne pas savoir où son époux se trouve, malgré les appels et sms toujours plus assassins qu’elle a pu envoyer. Finalement, elle laisse tomber, comprenant qu’elle restera comme bien souvent, sans réponse. Alors elle se distrait comme elle peut; réseaux sociaux, e-mails professionnels et vidéos comiques en tout genre l’occupent jusqu’à ce qu’une once de fatigue la gagne. Son MacBook prend la place froide et inoccupée de Rafael dans le lit king size, et s’allonge à son tour. Sur le dos, la petite lumière tamisée lui permet de fixer le plafond, alors que ses mains jointes sont posées sur son torse. Elle cligne des yeux, ces derniers picotent et elle se sent comme une enfant capricieuse qui combattrait un sommeil imminent. La jeune femme tourne et se retourne, se couvre du drap blanc pour s’en défaire dans les minutes qui suivent. Elle souffle et se prend la tête dans la main, avant de se redresser. Et quand elle s’apprête à finalement éteindre la lumière, un bruit trop sourd  pour être distingué mais assez fort pour qu’elle sursaute l’en empêche. Ca n’est que quand elle franchit le pas de la suite parentale qu’elle comprendre que monsieur a enfin daigné rentrer. Sa robe de chambre en soie virevolte dans les airs, alors qu’elle traverse le grand couloir qui mène à la pièce principale. Elle y découvre un Rafael qui a l’air, même de loin et dans la pénombre, wasted. « You have got to be fucking kidding me. » Dans un souffle, elle lâche la phrase injurieuse. Elle étouffe un rire nerveux, se passe une main sur le front, fatiguée. Elle n’a pas fermé l’oeil, de toutes façons. Mais ça, elle se garde bien de le lui dire. Elle allume la lumière qui donne sur le bar, et croise les bras. « Do you even care? » Elle hausse les sourcils. Cece le dévisage de haut en bas, l’observe se débarrasser de l’accessoire, comme si de rien n’était.  Elle s’approche un peu plus de lui, assez  pour que l’odeur de l’alcool déjà ingéré ne vienne encombrer ses narines. « What is it, you haven’t drunk enough already? » Le ton est sévère, plein de jugement, et elle, profondément amère.

@Rafael Eason

Ces derniers temps la tension restait palpable en tout temps entre les deux époux et si Rafael détestait leurs altercations plus que de raison, c'est le regard de la brune qui l'attristait le plus. La pitié qu'il pouvait imaginer dans son regard le tuait à petit et feu et il n'en réagissait que plus violemment. Consommer, boire, pour oublier les problèmes reliés au vignoble, se détendre l'espace d'un instant et se retrouver coincé en revenant à la maison. Rafe ne pouvait visiblement plus gagner à ce jeux qu'était la vie; Il avait eu le gros lot; une femme aussi magnifique que son intelligence était acérée ainsi que deux enfants plus que géniaux, une belle vie pendant près de trente ans. S'il avait oublié l'espace d'un instant, Rafe culpabilisait parce qu'il n'avait pas pu être avec Olivia, mais après tout il ne s'agissait qu'une sortie parmi tant d'autres, elle ne s'en rappellerait pas la semaine prochaine, assurément. « I wouldn't have said it if I didn't. » Il soupire, exaspéré. Évidemment qu'il ne s'en foutait pas et il s'en veut de penser que ça aurait été bien plus simple si justement, il ne l'avait pas claqué cette foutue porte. Son attention se reporte sur le verre qu'il tient, en buvant une rasade au passage. Un alcool de collection offert par son père l'an dernier, il eu un sourire en coin en imaginant la tête de son paternel s'il prenait connaissance qu'il gaspillait un whisky destiné à vieillir, quelques mois après l'avoir reçu. « You're cute when you're mad. » qu'il lance, moqueur, si proche, mais en même temps si loin de la brune. Rafe ne faisait aucun sens, ses pensées étant plus qu'éradiques et il n'écoutait qu'à moitié Cece, aucunement intéressé par les reproches qu'elle avait à lui faire (encore une fois). Elle était belle, tellement belle. Après six ans et malgré le fait qu'elle le rendait complètement fou - littéralement - rien n'arriverait à entacher le profond attachement qu'il ressentait pour la jeune femme. Cece devait simplement apprendre à se détendre; ils venaient d'entamer leurs trentaines, il ne fallait pas être surpris s'il prenait un verre de temps à autre avec quelques collègues. Il capte toutefois les paroles de sa femme, répliquant à voix basse, pas vraiment dans l'optique que Cece l'entende, son humeur n'étant plus à la rigolade. « Not drunk enough for this. » Remarque lancée dans un grognement, dans sa barbe. Il vide son verre d'une traite, reposant ses iris sur la silhouette de la jeune femme. « Didn't you boss around enough people today ? » Il a pas envie d'être méchant, il en a juste marre d'être le grand méchant loup de l'histoire. Cece le détestait,  il ne devait pas être la personne préférée d'Olivia et un jour, Luca aussi il comprendrait un jour, daddy's an asshole. « I'll make it up to Olivia, don't worry, honey. » Il appuie fort sur le dernier mot, surnom qu'il avait déjà mentionné, mais jamais aussi froid. Il n'était plus maître de ses réactions, ayant été remplacé par une personne acide, he was out for blood. Rapproché de Cece, il a envie de faire la paix, s'excuser d'être un con, mais fier comme un paon, Rafael se détache, et se sert un nouveau verre, brandissant la bouteille vers sa femme. « Want one ? »

@cece corsini

Il fut un temps où la soirée se serait terminée autrement. Un temps où les disputes n’étaient pas quotidiennes et surtout, un temps où elles étaient réglées en un rien de temps. La réconciliation aurait eu lieu sous la couette - ou sur le bar - , la vie aurait suivi son cours. Mais voilà plusieurs mois que la dynamique a changé, qu’ils se parlent à peine et que s’ils en viennent à s’adresser la parole, la conversation tourne vite au vinaigre. Cece perd patience aisément, et lui semble tout prendre à la légère, la faisant passer pour une drama queen, une folle qui verrait le mal partout. Elle ignore ses dernières réponses et remarques, choisit de ménager ses nerfs tant qu’elle le peut encore. Elle se contente de le fixer et pense son expression neutre. La vérité, c’est que son regard trahit le melting pot d’émotions qu’elle ressent depuis le début de la soirée. Elle hoche doucement la tête, tout de même sceptique quand il assure vouloir se faire pardonner de son absence. « Yeah, I’m sure you will. » Il s’en sort toujours, avec les enfants. De nouvelles promesses, des cadeaux, un numéro de charme et il revient en course pour le prix du père de l’année. Elle fait glisser ses ongles rouges sur le bois vernis où sont rangées une centaine de liqueurs, toutes plus rares les unes que les autres.  Elle y fait tapoter ses doigts, les yeux toujours rivés sur l’ombre de l’homme qu’elle a épousé. Et puis, elle lève les yeux vers le lustre suspendu au plafond, comme pour se donner du courage. « Now, what is that supposed to mean? » Une main dans ses cheveux aux reflets cuivrés, elle agite l’autre en sa direction. « Nah you know what, don’t bother answering that. » Elle n’a pas la force de l’écouter lui rabâcher qu’il faudrait qu’elle lâche du lest, pas ce soir, pas comme ça. Sensible et particulièrement émotive, elle risquerait de faire ou dire des choses qu’elle ne pense pas. Pas vraiment. Ce qu’elle désire à ce moment-là, c’est faire valser la bouteille, son verre, et lui avec. Elle serre son poing droit. « So, you’re not even going to tell me where you were? Or what happened to your phone? » Elle attrape son menton barbu et se hisse sur la pointe des pieds, ses pupilles cherchent les siennes. « And you’re high as hell. » Elle comprend alors son arrogance soudaine, bien qu’elle sache pertinemment que la substance poudrée qu’il a du prendre ne l’explique qu’à moitié. Elle recule un peu et fait craquer son annulaire gauche, avant de se mettre à jouer nerveusement avec son alliance. « I thought we agreed that this, has to stop. » Elle ouvre sa paume qui fait un mouvement circulaire, le désignant lui et sa boisson. Si elle n’a pas pas envie de voir son mariage sombrer, elle est forcée d’admettre que le processus est déjà en cours. Face à un homme muré dans son silence, dans un déni - ou un foutage de gueule - profond, elle manque désormais de ressources. Et Cece, elle refuse de couler avec lui, que leurs enfants ne soient entrainés dans un cirque, un mess infernal, qu’ils n’ont pas demandé. « The drugs, the alcohol, the lies. »  Elle marque un court temps de pause. « The women. » Elle baisse d'un ton, baisse le regard, incapable de le maintenir suite à ses dernières paroles.

@rafael eason

Six ans plus tôt, il n'avait jamais été aussi certain de la vie qu'il souhaitait mener. Son avenir lui semblait claire, il était foutrement brillant, puis il avait fallu, comme toujours qu'il gâche ce qui était bien dans sa vie. Tout d'abord son job, en acceptant de donner un coup de main à son frangin, puis maintenant, alors qu'il tentait de fuir à peu près tous les aspects de sa vie. « I was out with some co-workers and as far as my phone is concerned; » Rafael fait une pause, l'espace d'un instant, fouillant l'intégralité de ses poches, sans succès. « It has been reported M.I.A. » Et il affiche un sourire en coin, parce qu'il se trouve con, lui, le mec qui se rappelait de tout, littéralement, avait perdu son portable, sans avoir aucune idée de l'endroit où il pourrait être situé. L'héritier changeait d'émotions à chaque instants, sans jamais définir précisément le nouveau sentiment qui l'animait. Alors que son rythme cardiaque continuait d'augmenter, Rafe retira son veston, afin de remonter les manches. Putain qu'il avait chaud, et plus son irritabilité montait, plus le sentiment augmentait. « For fuck's sake. No, you agreed this had to stop, I don't see what's wrong with me going out with friends from time to time ! » Et il le sait qu'il parle trop fort. Ses mains tremblent, il a l'impression de trembler de la tête au pied, de rage, d'incrédulité - alors que plus de la moitié de ces sentiments négatifs, n'étaient simplement pas dirigés vers son interlocutrice. Alors qu'elle saisit son menton, Rafael détourne le regard. Il sait, que la drogue est plus problématique que l'alcool, mais elle ne semblait pas vouloir comprendre, elle ne le pouvait pas en fait. Il ne voulait pas impliquer Cece dans ses magouilles, dans ses emmerdes, il ne voulait pas qu'elle en paie le prix; ou pire, qu'elle soit blessée dans la foulée par un gros bras de la mafia. Alors il gardait ses propres secrets, s'enfermant dans un mutisme qui ne le connaissait pas, dans des habitudes fêtardes qu'il avait depuis longtemps abandonnées par peur, peur qu'elle le quitte, peur que ses relations peu fréquentables ne s'en prennent à elle, peur, peur, peur. Puis il capte, il essaie de croiser le regard de Cece, cherchant à y trouver des réponses. « What women ? » Et il reste chancelant, devant son épouse. Il prend conscience de l'ampleur de la situation, que dans sa torpeur il n'en avait rien enregistré. Son désarroi est trahi par son visage, il n'a plus envie de provoquer, il n'a plus envie de se battre, pensait-elle réellement qu'il pourrait lui être infidèle ? Rafael n'avait jamais été un pour les rumeurs, il n'en lisait rien et se contentait d'apparaître dans la série What's up with the Corsinis, sans plus. Le monde du business avait toujours eu plus d'attrait pour lui que les gossips en tout genre. « Maybe I should start sleeping with them then, if you already think I'm guilty, might as well not make you a liar too. » Il n'en avait pas envie, mais il n'était plus, depuis quelques heures du moins, totalement maître de son corps. Les inhibitions perdues, les nerfs en vrac, les drogues pulsant encore dans ses veines, Rafe dépose finalement son verre contre le bar, le fracassant par la même occasion. Son agressivité qu'il tentait de masquer débordait de tous les côtés, comme avec ce verre hors de prix désormais éclaté en morceau. Le trentenaire était perdu dans son monde, ne remarquant même pas la large coupure s'étant créée dans sa paume, l'hémoglobine coulant à souhait. Il fixe sa main gauche, penaud. Il essaie mollement d'éponger le sang de sa main avec une serviette qui traînait non loin; il ne ressentait pas la douleur, probablement encore bien anesthésié. « Daddy ?? » Et il ferme les yeux, Rafael, fronçant des sourcils dans la foulée. C'est la voix de leur fille qui lui vient au oreilles, et il réalise alors l'ampleur de sa connerie. Il ne veut pas gérer cette interruption, ne se sent pas en moyen de le faire et soudainement, alors que la douleur causée par sa blessure à la main commence à rejoindre son système nerveux, il se sent con. Il baisse les yeux à son tour, honteux face à cette enfant qui n'avait rien demandé. « Go back to sleep sweetheart, I'll wake you tomorrow for school, kay ? » Il ne voulait pas qu'elle le voit ainsi.

@cece corsini

La perte de son portable semble l’inquiéter autant que la disparition d’une sucrerie parmi tant d’autres. Elle secoue doucement la tête et lève les bras, défaitiste. L’exaspération la gagne peu à peu, pendant que son sang-froid rejoint les abonnés absents. La diplomatie dont elle fait d’habitude preuve s’éloigne elle aussi, pour laisser place à une part d’elle plus sanguine. Les remarques teintées cynisme et autres piques se bousculent dans sa tête. Malgré tout, elle tente de garder à l’esprit qu’il est sous emprise; précisément l’une des raisons pour lesquelles elle est énervée. Elle masse sa tempe du bout du doigt, plus pour montrer son agacement que par réelle migraine - elle est cependant certaine que la crise ne saurait tarder. « Oh, so that’s all you do? Go out with your friends, from time to time? » Elle penche légèrement la tête sur le côté, revient serrer ses bras sous sa poitrine quasiment nue. « I know you don’t think I’m stupid enough to believe that. » Presque défiante, le sourire sarcastique qu’elle avait s’éteint aussi brusquement qu’il est apparu. La vérité, c’est qu’elle n’a pas la moindre idée de ce qu’il fait quand il n’est pas là. Il pourrait dire la vérité, qu’elle n’en saurait absolument rien. Si elle s’est longtemps moquée des femmes insécures et paranoïaques vis-à-vis des occupations de leurs conjoints, prônant slogans féministes et indépendance, la jeune femme se doit d’avouer qu’elle l’est totalement. Sa dignité l’empêche de s’écrouler, sa fierté l’empêche de sombrer, mais elle perd le contrôle et sa santé mentale. Elle perd l’homme qu’elle a juré d’aimer et d’épauler sans qu’elle n’en sache la raison, le père de bambins qui ne sont pas encore en âge de comprendre grand chose.  Elle hausse un sourcil, surprise qu’il réagisse particulièrement à son accusation implicite. Une fois de plus, elle ne saurait justifier sa riposte; elle hésite entre culpabilité et culpabilité. Les tabloïds, la presse à sensation, The Cosmo, elle s’y intéresse de temps à autres. Plus par curiosité que par réel intérêt, en particulier lorsque le nom de famille fait les gros titres. D’habitude, elle peut en rire et/ou adapter ses faits et gestes pour infirmer ou confirmer une rumeur. Mais les dernières, celles qui concernent Rafael et ses supposées infidélités, elle ne parvient pas à les traiter comme une information lambda. Son coeur et sa raison sont en querelles permanentes, et ses questions restent sans réponse. Comme une bombe à retardement dont le compteur serait proche de zéro, elle est prête à exploser. « Right, I would be the liar, you know wh… » Elle a un mouvement de recul réflexe lorsqu’il fait exploser le gobelet en cristal. Sa bouche forme un « o » parfait, elle fronce les sourcils et le regarde à nouveau. Et avant qu’elle ne puisse rétorquer quoi que ce soit, elle est interrompue par la faible voix d’Olivia. De peur que sa voix ne se brise, elle ne dit rien. Les lèves pincées, la gorge serrée, tourne la tête vers sa fille. Ses yeux sont embués et elle espère que la petite fille ne les remarquera pas. Cece fait mine d’acquiescer ce que Rafael avance; toujours faire front commun devant leurs progénitures. « But daddy you’re bleeding! » Tant pis qu’elle remarque les larmes qui menacent de couler, elle ne prendra pas le risque qu’elle voit son père drogué, en plus de blessé. « It's okay, go back to bed, baby. » Elle est ferme, malgré le mot doux. La peluche, bien trop grande et volumineuse - mais qu’elle a insisté pour avoir - d’Olivia traine sur le parquet parfaitement ciré, alors qu’elle fait demi-tour, faussement convaincue. Désormais complètement retournée vers lui, elle a tout juste le temps de remarquer que le torchon est rapidement tacheté de rouge. Deux accouchements et des bobos de toutes sortes l’ont rendu quasi-insensible à la vue du sang, mais sa main et les morceaux de verre éclatés autour d’eux fait penser à une scène de crime. « Shit. » Elle tourne les talons, traverse le long couloir à la recherche  de la trousse de soins de secours. L’espace de quelques minutes, elle oublie que deux minutes  avant elle s’apprêtait à l’injurier, lui et une partie de ses ancêtres. Silencieuse lorsqu’elle désinfecte sa plaie sans le consulter, elle décide de briser le silence en saisissant le sparadrap. « Why won’t you talk to me? Why are you doing this? » Ses yeux sont rivés sur la blessure qu’elle enroule du grand pansement blanc. « I’m tired. I’m tired of fighting, of spending sleepless nights wondering where you are and if you’re alive. Wondering who you’re with. And the kids… » Elle détourne le regard en se mordant la lèvre inférieure. « This is not what I signed up for. And if you don’t get it together, Rafe.. You’ll leave me no choice. » Le bandage entièrement appliqué, elle referme délicatement la petite boîte.


@Rafael Eason

« You're a lot of things, stupid was never one of them. » qu'il répond, ses yeux rencontrant ceux de Cece au passage. Faute d'avoir de meilleurs mots pour expliquer ce qu'il faisait, sure. Parce qu'il ne s'agissait là que de la réalité; il ne sortait pas à tous les soirs afin de retrouver une maîtresse, n'avait aucun intérêt pour les filles fades et pleines d'intentions. L'amour suave, l'amour faible, les moments à l'eau de rose, ça n'avait jamais représenté leur couple. Le feu, la passion, tout détruire pour mieux reconstruire - quelques assiettes s'éclatant sur le carrelage et des retrouvailles passionnées entre les draps. Ensemble, ça n'avait jamais été facile, mais il n'échangerait ce qu'ils avaient pour rien au monde. Il le savait, le coupable n'avait de forme que sa propre personne sans réellement comprendre; il n'avait pas un problème de consommation, mais il s'agissait là d'une nouvelle porte de sortie, une façon pour Rafe d'oublier tout le reste. Il n'a pas envie de défendre pour une énième fois son point de vue, elle ne semblait de toute façon pas croire en quoi que ce soit qu'il pourrait lui dire. À lui la faute, qu'on lui dira, lui, il préfère esquiver, préfère largement la relancer - à croire qu'il était masochiste; comme si inconsciemment, il savait bien qu'il méritait bien pire que ce à quoi il avait droit pour l'instant. Alors qu'il entend la voix de sa fille, Olivia qui semblait si préoccupée, la gorge de Rafael se noue. Il a le coeur au bord des lèvres, parce que s'il était sorti auparavant, il s'agissait de la première fois qu'il était mit face au fait; les enfants avaient cet avantages - ils permettaient aux adultes de bien voir la réflection qu'ils projetaient. Il enserre le torchon contre sa main, essayant plus que possible de dissimuler le liquide couleur carmin à la gamine. Il n'était plus agacé, la colère retombée en même temps que le gobelet s'était fracassé. Rafael ne veut pas en rajouter, n'ose même pas regarder en direction du couloir par où Olivia retournait, à pas de tortue. Il détourne le regard, baisse les yeux vers les dégâts qu'il avait causé, essayant de ramasser quelques bouts de cristal en attendant le retour de son épouse. Les effets de la drogue commençaient à se dissiper - l'alcool prenant le dessus sur tout le reste. Il reste silencieux, alors que la jeune femme s'occupe de désinfecter sa blessure, n'émettant qu'un léger grognement alors que le peroxyde éliminait toute possibilité de bactéries contre la plaie. Il voyait bien qu'il la décevait de plus d'une façon, mais il n'avait jamais vu un regard aussi désemparé sur le minois d'une enfant aussi jeune. L'agressivité complètement disparue de son comportement, il écoute les paroles de Cece, sans broncher. Il a chaud, il a l'impression d'être incapable de respirer et le noeud dans sa gorge se resserre. « I... » Il n'y arrivait simplement pas. Si Rafe crevait d'envie de tout lui dévoiler, les mots ne franchissaient simplement pas ses lèvres. Ses yeux vitreux, abimés par la drogue, se remplissaient d'eau. Men never cry. papa dirait. Et parfois, il a juste envie de ça, sauf qu'il y a cette pression constante. Il devait rester fort - pour ne pas couler en même temps que son frère, afin de ne pas être gagné par cette panique qui lui tenaillait le ventre. Il fixe Cece, il inspire profondément en fermant les yeux, espérant les assécher par le même coup. Alors qu'elle referme la trousse de premier soin, il saisit sa main avec la sienne, encore intacte, et du pouce, caresse son épiderme. « I'm so sorry. » Et il retourne ses iris dans les siennes, et s'il n'arrivait toujours pas à délier sa langue, s'il ne pouvait pas lui dire ce qui se passait réellement, il n'en restait pas moins désolé; car c'était de sa faute. « I love you. » L'héritier n'arrivait pas à prononcer de plus longues phrases, la gorge trop serrée pour y faire quoi que ce soit. « I would never, ever cheat on you. You have to know that, you have to.. » Sa voix se brise, à nouveau. trust me, please, please believe me. « I'll try to do better. I'm fucked up but don't give up on me yet. » Parce qu'il trouverait le moyen de tout arranger, tout régler sans avoir à l'impliquer dans quoi que ce soit qui pourrait compromettre sa sécurité. Il caresse son visage, doucement, il admire ses traits comme si c'était la dernière fois. Please, please, don't give up.

@cece corsini

Quand Olivia rebrousse chemin, la jeune femme n’a aucune assurance qu’elle est bel et bien retournée dans sa chambre. Elle pourrait très bien se trouver dans le corridor, cachée derrière une porte, tentant de distinguer ce que ses parents sont en train de se dire. Elle a appris en devenant mère, et avec ses propres souvenirs que les enfants sont les êtres les plus intelligents et intuitifs qu’il soit. Souvent sous-estimés à cause de leur inexpérience de la vie, ils sont pourtant souvent les êtres les plus sceptiques, les êtres les plus malins. Mais Cece n’a pas la force de se lever, elle sent ses jambes particulièrement instables. Aussi, il lui manque l’énergie de lui mentir une énième fois, de la rassurer en lui promettant que tout irait bien, pas cette nuit-là. La jeune mère déglutit alors qu’elle termine sa phrase, il lui est difficile de poursuivre; difficile d’énoncer ce à quoi elle pense. Cece n’a jamais pensé au divorce, ni de près, ni de loin. Des disputes ils en ont eu, parfois plus impressionnantes que sérieuses, rien d’assez grave pour qu’elle puisse remettre en cause toute leur relation. Seulement, elle ne voit pas d’issue à leurs problèmes qu’elle ne saurait même pas nommer. S’il semble offusqué qu’elle l’accuse, il ne lui donne rien en échange. Rien, pas même une perche à laquelle elle pourrait s’accrocher pour quelques temps. Devenir une desperate golden girl de Manhattan, très peu pour elle. Sa fierté ne le supporterait pas, leurs enfants ne feraient qu’en pâtir. La vision brouillée, le regard perdu dans le vide, elle en oublierait presque où elle se trouve. Quand il prend la parole, elle redirige abruptement ses yeux vers les siens. Des yeux d’une clarté absolue, dans lesquels elle se plaît d’habitude à se perdre mais qui là, ne reflètent que les maux de toute une vie. Les larmes qu’elle contient depuis trop longtemps, les larmes qui menacent de ruisseler depuis qu’elle a entendu la porte claquer, elle ne parvient plus à les contenir. Déchirée entre l’envie de se jeter dans ses bras et celle de le gifler parce qu’il est si secret, elle ne sait comment réagir. Elle ne sait pas de quoi exactement il est désolé. Elle expire dans un sanglot étouffé et laisse tomber ses épaules. Elle pose son coude sur le bar, le menton sur la main et secoue la tête. Non pas pour montrer son désaccord mais pour exprimer sa frustration, l’air de dire, I can’t believe this is happening. Pour la première fois depuis longtemps, elle le sent vulnérable. Lui, souvent si fier peu importent les circonstances, semble vraiment mal en point. Son coeur lui fait mal, et elle est prise d’un haut le coeur. Elle essuie une larme d’un revers de doigt, juste avant qu’il ne prenne sa main et son visage entre les siens. Une sensation qui pourrait lui faire oublier toutes les négatives. Elle ferme les yeux un moment, même si elle sait pertinemment que cela ne suffira pas à faire lever ses doutes. Parce qu’elle a à peine envisagé la possibilité que les potins entendus ici et là ne soient pas vrais. Après tout, quand elle a fait sa connaissance, il avait tout d’un playboy et du parfait partyboy; elle n’envisageait à l’époque rien de sérieux avec lui. La crainte d’être humiliée publiquement, d’attendre en vain un changement qui ne viendrait jamais était trop forte. Mais elle s’est laissée prendre au jeu, Cece. Elle a mis les deux pieds dans le plat, elle a cru à ses multiples promesses, qui ont miraculeusement tenu jusqu’aujourd’hui. Si elle l’aime? C’est évident. Au delà de vouloir maintenir les apparences pour le show et leur entourage, au delà de s’afficher unis devant leurs enfants, elle l’aime. Ses défauts comme ses qualités, dans la difficulté - mais pas dans l’indécent et le mensonge. « Maybe we should… » Elle souffle, encore. « Take some time apart. For a little while, to figure things out. » Histoire que ce qui vient de se passer ne se reproduire pas, jamais. Histoire qu’elle puisse y voir plus clair, prendre du recul sur une situation qui ne fait plus sens depuis un moment. « I need to think. » Elle qui prône la communication dans le couple, elle qui n’a eu que pour volonté qu’il lui parle, a besoin de réfléchir. Seule. Perdue entre ses mots réconfortants et le nombre incalculable d’interrogations qui se bousculent, elle finit par se lever du grand tabouret. « I want to believe you so bad. » Mais, il y a trop de mais.

Il y a un vide dans sa tête, alors que Cece se relève, alors qu'il écoute ses dernières paroles. Rafael n'a aucune envie de prendre du recul, il n'a pas envie qu'elle réalise un jour qu'elle était bien mieux sans lui. Pas envie de lui donner la distance qu'elle désirait, comme un enfant qui en voulait toujours plus. Il se reprochait mentalement de ne pas avoir compris plus tôt, obnubilé par ses propres problèmes, à quel point ses agissements avaient pu affecter sa famille. Encore engourdi par le poison alcoolique, il n'a envie que d'argumenter, mais sans révéler la source de ses malheurs, il n'en avait pas beaucoup à dire. « I'll go. » Pas maintenant, si ça n'tenait qu'à lui jamais, mais il le ferait. Pour elle. When you love someone set them free. Il ne se rappelait plus du propriétaire de cette citation stupide, il n'avait par ailleurs aucun réel antécédent afin de comparer; c'est marrant de constater que non, au final, pendant les trente-trois dernières années il n'était tombé amoureux qu'une seule fois et que tel une malédiction qui semblait trembler sur les Eason, he was screwing up everything good in his life. « I'll sleep on the couch and I'll wake the kids up for school. » Parce qu'il n'avait pas seulement besoin de s'éloigner de Cece, mais de Liv et Luca également. Pour leurs biens. « Then, I'll go. » Rafe se relève à son tour, lui aussi, il aimerait qu'elle le croit, bien qu'il ne lui donnait aucune raison de le faire. Parce qu'il pouvait mentir sur tout et rien, très aisément; omettre la vérité n'a jamais été hors de sa portée non plus, sauf qu'avec la brune; il y avait bien une chose sur laquelle ils ne s'étaient jamais mentis; leurs sentiments. « Go back to sleep, I can't. I'll clean everything up. » Non, il ne pourrait pas fermer l'oeil de la nuit. Il admire les traits de Cece pendant quelques secondes, l'air fatigué qui devait s'apparenter au sien. Il n'aimait pas la voir pleurer. Encore moins en être la cause. Hésitant, il se rapproche d'elle et dépose un léger baiser sur sa tempe, en fermant les yeux. « I'll make you believe me. » qu'il murmure avant de retourner dans la cuisine et sortir le balais. Rafe n'avait plus le courage de regarder en direction de son épouse, qui il le devinait; avait quitté la pièce principale. Rien ne s'était arrangé, la relation du couple ne s'étaient qu'empirée, et Rafe savait que si Cece n'avait pas prononcé le mot, elle n'en était pas plus loin. Et désormais, il était près à presque tout afin d'éviter un divorce.

@cece corsini